11.10.12

Des chansons pour les sirènes…


Tapi dans les organes, un désir de noblesse qui ne passe pas. À tous les sens du terme : ridicule, dans une époque où une mesquinerie morbide est le nec plus ultra des qualités individuelles (ah, on ne se laisse pas faire, les dents rayent le parquet, on arrachera son avoine coûte que coûte, ressentiment de la mule du pape) de la version concierge à la version président de la république. Le discours public n’est pas en reste, qui pousse sans vergogne à la guerre, ces jours-ci, en vue d’un intérêt supérieur politico-sécuritaire. Un monde renversé où la laideur la plus crasse est portée aux nues comme une identité suprême, parce qu’elle ne se distingue en rien de l’animalité la plus obscurantiste — notre définition d’homme (ou de femme !… et c'est plus triste encore…), selon le catéchisme post-moderne.
         Qui ne passe pas, au sens radicalement opposé — ce donquichottisme, comme une digue dérisoire face à une marée quotidienne d’immondices, tant privés que socio-politiques, s’enracine entêté, malgré tous les doutes : oui, quelquefois, nous avons résisté, par une violence fulgurante, ou bien une générosité hors-normes… et puis il y a aussi toutes les occasions où nous avons fui, où nous avons détourné le regard, où nous nous sommes soumis à la règle commune et méprisable, par lâcheté ou par intérêt. Pourtant, quitte à sombrer, on s’obstine aux banqueroutes, aux coups de boule quand ils sont nécessaires, au mépris quand il s’impose. Par orgueil sans doute, pour une estime de soi qui rendrait plus facile le passage outre-tombe… jusqu’à ce qu’on en sache plus — au dernier souffle. Mais aussi pour le chant céleste des sirènes, les voix brisées des belles au point d’orgue, la puissance du mythe libertaire dans nos vies d’esclaves.
Ainsi, dans cette tradition insensée, nous avons composé ces Chansons pour les Sirènes, qui vient de paraître aux éditions Écarlate/ Dernier Terrain Vague, recueil de certains poèmes de trois Grands Vivants, à présent des Grands Morts selon l’expression de Jacques Rigaut : Essenine, Medvedeva, Tchoudakov. Trois destins brûlés par les deux bouts, trois morts sans autre suite qu’une expression condensée — être plus grands que la vie.
Leurs vers sans merci, sans repos, en version bilingue russe-français (traduits par TM) sont complétés par des essais de Thierry Marignac et Kira Sapguir… la vanité d’être poète, la fierté de s’y tenir.
Et figurer, au cœur de l’immobile,
Comme un destin gâté,
Un étrange imbécile
Un orgueilleux damné…